Responsabilité de l'Expert-comptable : une obligation de moyens
L'expert-comptable peut voir sa responsabilité être recherchée en cas de défaillance dans sa mission ayant entraîné un redressement fiscal ou URSSAF, ou ayant fait perdre à son client un avantage fiscal. Mais son obligation reste de moyens. Il appartient donc au demandeur de prouver la faute commise.
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I. Le régime de responsabilité de l'Expert-comptable
La responsabilité des experts–comptables est une responsabilité contractuelle pour faute prouvée.
Afin d’engager sa responsabilité, le demandeur doit prouver la faute de l’expert-comptable, le préjudice subi, et le lien de causalité entre les deux.
C’est ainsi qu’il est jugé que l‘expert-comptable est responsable des erreurs commises dans la tenue de la comptabilité et dans les déclarations fiscales. Il doit réparer le préjudice subi si ses erreurs sont à l’origine d’un redressement fiscal. (CA Paris, 25e ch., 31 janvier 1980, Jamet c/ Grégoire : Juris-Data n° 000066 ; CA Grenoble, 1ère ch. civ, 30 mai 1989, Henry c/ Sté Cotte : Juris-Data n° 043002).
La faute démontrée à l’encontre de l’expert–comptable peut consister en une faute contractuelle et plus précisément à une absence de diligence contractuellement prévue, mais également en un défaut de conseil et d’information.
En effet, il convient de rappeler que l’article 1135 du Code Civil met à la charge de l’expert–comptable un devoir de conseil allant au-delà des termes du contrat.
II. Le devoir de Conseil de l'Expert-comptable
L’article 155 du Code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable, arrêté par le décret du 30 mars 2012, dispose que « dans la mise en œuvre de leur mission, [les professionnels de l’expertise comptable] sont tenus, vis-à-vis de leur client ou adhérent un devoir d’information et de conseil, qu’elle remplisse dans le respect des textes en vigueur ».
Le devoir de conseil s’applique à toutes les missions pouvant être confiées à l’expert–comptable :
- les principales missions comptables relevant des prérogatives d’exercice de la profession ;
- les autres missions réalisées à titre principal ne relevant pas des prérogatives d’exercice de la profession ;
- enfin, les missions dites accessoires.
Par principe, le devoir de conseil s’impose à l’expert–comptable quelles que soient les compétences personnelles du client.
Plus généralement, les obligations de l’expert–comptable consistent à informer son client des obligations qui pèsent sur lui et des conséquences préjudiciables du non-respect de ces obligations.
A titre d’exemple, les possibilités de bénéficier d’avantages fiscaux ou autres constituent une obligation d’information de l’expert–comptable.
Plus généralement, et dans un arrêt rappelant l’étendu du devoir de conseil de l’expert–comptable, la cour de cassation a précisé que le devoir de conseil de l’expert–comptable existe pendant toute la durée de la mission (dès la signature de la lettre de mission) et ne peut être limité à la période d’établissement des comptes annuels.
De plus, à aucun moment, l’expert–comptable ne peut s’exonérer de cette obligation, et manque à son devoir de conseil, l’expert–comptable qui n’a pas su rappeler l’obligation d’adhérer à une association de gestion agréée à son client (C. Cass. 10 septembre 2014).
III. Les obligations de l'expert-comptable en matière fiscale
La jurisprudence est venue préciser les contours de l’obligation de moyens attachée à la mission de l’expert-comptable.
Elle est ainsi venue poser que:
» l’expert-comptable qui accepte d’établir une déclaration fiscale pour le compte d’un client doit, compte tenu des informations qu’il détient sur la situation de celui-ci, s’assurer que cette déclaration est en tout point conforme aux exigences légales. » (Cass Com 06/02/2007)
» Dans le cadre de sa mission d’établissement des déclarations fiscales, l’expert-comptable est conduit à contrôler les bases d’imposition par rapport aux données comptables ainsi que la bonne application des textes dont les régimes fiscaux en vigueur. » (Cour d’Appel d’Orléans du 8 juin 2017)
« Omission de déclaration de TVA pour des opérations intra-communautaires : qu’il ne ressort pas de la lettre de mission que la société C soit engagée contractuellement à procéder à la déclaration de TVA intracommunautaire ;qu’au titre de son obligation de conseil, la société C. aurait dû, dans le cadre des rapprochements auxquels elle était tenue de procéder, constater qu’aucune TVA n’était déclarée ni déduite concernant des achats représentant un montant important de plus de 200 000 euros et attirer l’attention de sa cliente sur cette anomalie ce qu’elle ne justifie pas avoir fait ; que sa responsabilité sera retenue à ce titre. » (Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE du 6 juin 2019)
La société d’expertise comptable « ayant bien la charge et la responsabilité d’établir les déclarations de TVA et les déclarations fiscales, elle doit être tenue de tout manquement ayant généré un redressement fiscal à ce titre. » (Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE du 8 mars 2018)
IV. Les obligations de l'expert-comptable en matière sociale
Dans le cadre de la mission sociale de l’Expert-comptable, la jurisprudence précise que:
- la société d’expertise-comptable assurant une mission sociale la conduisant à rédiger les contrats de travail et bulletins de paye des salariés de son client et qui engage sa responsabilité lorsqu’il apparaît que les bulletins de salaire et les contrats de travail à durée déterminée étaient affectés d’erreurs et d’omissions. (CA Toulouse, 6 janv. 2014)
- De même, l’expert-comptable dont la mission est de rédiger les bulletins de paie et les déclarations sociales pour le compte de son client, doit s’assurer, compte tenu des informations qu’il devait recueillir sur le contrat de travail pour établir ces documents, de la conformité des contrats aux dispositions légales et réglementaires. (Cass. com., 29 sept. 2015)