AVOCAT MOUY

La faute intentionnelle en droit des assurances : cause d'exclusion de garantie

La faute intentionnelle commise par l'assuré permet à l'assureur d'opposer un refus de garantie dès lors que le sinistre s'est produit par la commission volontaire du fait dommageable ayant entraîné le dommage tel qu'il est survenu.

Définition de la faute intentionnelle en droit des assurances

L’article L.113-1 du Code des assurances définit le champ d’application d’un contrat d’assurance en précisant que :

Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré.

Ainsi l’assureur n’est pas tenu de garantir les conséquences dommageables découlant d’une faute intentionnellement commise par l’assuré.

A la différence de la faute dolosive, la faute intentionnelle présuppose la connaissance par l’assuré, outre de la faute qu’il commet, des conséquences exactes que sa faute va engendrer.

La faute intentionnelle suppose en effet « un fait (c’est-à-dire un geste) volontairement commis, ce qui est une faute commise avec intention, et […] un dommage qui a été recherché par l’auteur de la faute » (Lamy assurances, 2016, n°189).

Il faut donc caractériser un fait volontaire (une faute), donc un état de conscience. L’état de démence de l’assuré au moment des faits dommageables fait ainsi obstacle à l’exclusion de garantie (Civ. 1ère 25 mars 1991). Il en est de même de l’état d’ignorance de l’assuré : un fabricant qui ignore les défauts d’un produit qu’il commercialise ne comment pas une faute intentionnelle (Civ. 1ère 25 janvier 1989).

Il faut également caractériser la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu.

L’erreur de l’assuré sur l’étendue du dommage qu’il engendre par sa faute permet de faire échec à la caractérisation de la faute intentionnelle. 

La jurisprudence sur la base de cette conception a donc exclu l’application de la faute intentionnelle à l’incendie d’une porte qui s’est propagé à tout l’immeuble. L’assuré a intentionnellement mis le feu à la porte, mais ne souhaitait pas incendier tout l’immeuble (Civ. 1ère, 9 juillet 1997, n°95-20799).

Aussi, la conscience de créer un risque inéluctablement dommageable ne suffit pas à caractériser la faute intentionnelle, si le dommage lui-même n’a pas été voulu :

«  Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si M.Y. avait eu la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu » (Cass. Civ. 3, 11 juin 2013, n°12-16530).

Dans une espèce particulière, la faute intentionnelle de l’assuré, qui a persisté dans une attitude négative et d’obstruction systématique, n’a pas été caractérisée car il n’a pu être établi qu’il a manifesté ce comportement dans le but de parvenir à la réalisation du dommage (Cass. 2ème civ., 18 avril 2013, n°12-19122).

La faute intentionnelle excluerait l'assurabilité des amendes pénales

Les contrats d’assurance ont tendance à exclure de la garantie qu’il procure la prise en charge des amendes pénales, sur le fondement de la faute intentionnelle.
 
Certains contrats d’assurance prévoient d’ailleurs une garantie dite  « défense pénale », prenant en charge des frais de défense devant les juridictions pénales (responsabilité du dirigeant d’entreprise, responsabilité de la personne morale, responsabilité du professionnel, etc…).
 
Néanmoins, les amendes pénales in fine en sont exclues.
 
En réalité, si ce raisonnement est satisfaisant pour les amendes qui découlent de crimes ou de délits (dont la reconnaissance en droit pénal français nécessite la caractérisation d’une intention de commettre le crime ou le délit), cet élément moral n’est pas requis pour les contraventions, dont seul l’élément matériel (la violation d’une règle légale) est requis pour justifier son règlement.
 
Il faut en réalité aller rechercher la justification de ce refus de garantie dans l’article 6 du Code civil, qui interdit les conventions illicites ou immorales.
 
En effet, permettre à un contrat d’assurance de prendre en charge des amendes pénales reviendraient à créer une situation d’irresponsabilité pénale, contraire à l’ordre public établi et aux principes posés par la Société.
 
En tout état de cause, ce type d’exclusion se retrouve dans les clauses d’exclusion de garantie des polices d’assurance et sont donc pleinement applicables si elles respectent les conditions posées.
 

Quelques exemples de fautes intentionnelles retenues

Pour lutter les « fautes lucratives » commisses par certains professionnels dans le seul but de s’enrichir, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a fait quelque peu évoluer sa jurisprudence.

Elle a ainsi retenue une faute intentionnelle contre un administrateur judiciaire en caractérisant simplement le caractère délibéré de sa faute:

Vu l’article L. 113-1 du code des assurances ;

Attendu que pour dire la garantie de la MMA acquise à M. Z…, l’arrêt retient que le plan de continuation soumis à M. Z… le 26 octobre 1994 a été présenté à tort comme un projet et adressé au juge-commissaire seulement le 1er décembre 1994 dans une matière où la célérité la plus grande est requise ; qu’il n’a pas fait l’objet d’une étude comparée avec l’offre de reprise émanant de la société Danel qui a été arbitrairement privilégiée ; que cette offre de reprise a fait l’objet d’un examen distinct et postérieur ayant donné lieu au jugement du tribunal de commerce de Reims du 20 décembre 1994, qui a adopté la seule solution restante et préférable à la liquidation de l’entreprise, compte tenu du nombre de salariés ; que la MMA ne démontre pas le caractère intentionnel des fautes commises par M. Z… ; qu’en effet le développement des activités de l’intéressé, l’appât du gain relevé par les juridictions rémoises l’ont conduit à faire exécuter par M. A… les missions confiées par le tribunal de commerce, et à privilégier systématiquement la cession à un plan de continuation, étant en outre observé que la juridiction consulaire le désignait alors systématiquement et exclusivement et sans contrôle ; que la garantie de la MMA est due, l’application de l’article 10 du contrat, excluant de couvrir les fautes intentionnelles ou dolosives, n’étant pas justifiée ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle relevait que M. Z… avait volontairement présenté de façon erronée et tardive le plan de continuation émané de la société Debar, qu’il était intervenu de façon délibérée afin que ce plan de continuation ne soit pas comparé avec l’offre de reprise de la société Danel, laquelle avait été arbitrairement privilégiée, ce dont il résultait que M. Z…, professionnel ayant pour mission légale de veiller à la sauvegarde de l’entreprise, avait voulu que le plan de continuation ne soit pas adopté, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé ; (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 octobre 2008, 07-14.373)

Elle a également retenu une conception de la faute intentionnelle « objective », en retenant la connaissance chez l’agent du caractère inéluctable du dommage qu’il s’apprête à causer par son geste (Cass. Civ. 2ème, 22 septembre 2005, n°04-17.232).

  • Post category:Assurance
  • Dernière modification de la publication :21 février 2022