AVOCAT MOUY

Comment réparer le préjudice subi?

Vous avez subi un préjudice et ne vous estimez pas satisfait de la proposition de réparation? Ou vous souhaitez tout simplement savoir quels sont les principes qui s'imposent pour réparer le préjudice subi? Voici ce qu'il faut savoir.

I.  RAPPEL DU PRINCIPE DE REPARATION INTEGRALE

Le principe indemnitaire de la responsabilité civile consiste à replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si la faute alléguée n’avait pas été commise (Civ. 1ère 17 juillet 1996 n°94-18181 Bull Civ. 1 n°327).

Réparer le préjudice revient donc à indemniser la victime pour tout le préjudice et rien que le préjudice.

Ce principe constant permet ainsi d’éviter un enrichissement sans cause de la victime:

 « les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit » (Cass. 3ème Civ. 12 janvier 2010, n°08-19.224).

II. LIMITES AU PRINCIPE DE REPARATION : PAS D'ENRICHISSEMENT DE LA VICTIME

Réparer le préjudice ne signifie pas permettre d’indemniser la prétendue victime pour des prétentions sans fondement, au risque de créer alors un enrichissement sans cause.

La réparation du dommage doit donc uniquement compenser la perte subie.

C’est sur la base de ce principe que la jurisprudence est venue préciser que « le paiement d’un impôt légalement du ne constitue pas un préjudice indemnisable » (Civ. 17 mars 2011 n°10-11463).

Ce paiement ne fait que « rétablir la situation normale (du contribuable) » (Cass.com. 12 juin 2001 n°98-13830).

Ce principe posé a été extrêmement suivi par les juges du fond, rappelant que le paiement d’un impôt ne constitue pas un préjudice indemnisable (Cour d’appel de Lyon 20 juin 2000 Jurisdata n°2000-103156 ; Cour d’appel de Besançon 17 juin 2003 Jurisdata n°2003-221818) :

« Considérant encore que le préjudice allégué par la société PONTI constitué d’imposition, d’intérêt de retard et de marge au ratio ; que le préjudice ne saurait correspondre au montant des redressements eux-mêmes, ni aux intérêts de retard, qui ne constitue pas des pénalités » (Cour d’appel de Paris 21 février 1997 Gazette du Palais 27 juillet 1997, page 15).

« Mais attendu que l’existence du préjudice relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et que, c’est dans l’exercice du pouvoir qui lui est ainsi reconnu , que la Cour d’Appel a constaté que la société et Monsieur X… n’ont subi aucun préjudice, qu’il s’agisse du paiement du principal des impôts, qui était dû en tout état de cause ou des pénalités de retard, contrebalancées par un avantage de trésorerie. » (Civ.1ère 29 mai 1996 n°94-16505).

« Il semble audacieux de considérer qu’un redressement qui aboutit à régulariser une situation fiscale en réintégrant un impôt qui aurait du normalement être payé, puisse servir de base à une action en réparation de préjudice » (Cour d’appel d’Angers 4 janvier 1999 RG n°97/02258).

Toutefois, il est important de préciser que le principe de réparation intégrale oblige parfois à rembourser ce rappel d’impôt dès lors que ce rappel relève exclusivement de la faute du professionnel, et que le contribuable aurait pu éviter l’impôt sans la faute commise (Com. 28 mars 2006, n° 04-16.659).

Dans ce cas, la Cour de cassation estime que les conséquences financières d’un redressement fiscal constituent un préjudice indemnisable .

Ainsi il a été jugé que :

« en n’informant pas (sa cliente) des solutions fiscales régulières au regard de son intention libérale, dont il n’était pas contesté qu’elles existaient, le notaire, qui a concouru à la donation déguisée en méconnaissance des dispositions fiscales, a ainsi exposé les héritières de la donatrice au paiement du redressement et des intérêts de retard, lequel constitue un préjudice entièrement consommé dont l’évaluation commande de prendre en compte l’incidence financière des solutions fiscales licitement envisageables » (Civ. 1ère, 9 décembre 2010, n° 09-16.531)

Plus spécifiquement, la perte d’un avantage fiscal, ainsi que les conséquences financières qui en découlent constituent un préjudice entièrement réparable par le professionnel ayant généré la perte de cet avantage (Civ. 1ère, 5 mars 2009, n° 08-11.374).

Les principes indemnitaires font donc osciller la jurisprudence entre réparation intégrale du préjudice et interdiction de l’enrichissement de la victime.

III.  LA VICTIME DISPOSE LIBREMENT DE L'INDEMNITÉ DE L'ASSUREUR

Il est important de savoir que l’assuré peut librement disposer de l’indemnité d’assurance qui lui est versée (Cass. 1re civ., 14 févr. 1984, no 82-14.503).

Il n’est donc pas tenu de l’employer pour réparer le préjudice ou remplacer le bien qui a subi le sinistre.

En effet, l’assureur a une obligation de somme d’argent et il ne saurait exercer un droit de contrôle sur elle (Cass. crim., 3 avr. 1991, no 90-81.157).

Mais si l’assuré ne l’emploie pas à la réparation, il ne règle pas la TVA liée à la celle-ci.

Une question perdure alors sur le sort de la TVA non réglée. L’assureur doit-il la verser quand même à l’assuré sur le principe de la réparation intégrale, ou peut-il la conserver pour ne pas créer d’enrichissement sans cause de la victime?

La Chambre criminelle s’est prononcée en faveur de l’assureur dans un arrêt du 27 mai 2021, excluant de la réparation la TVA non payée « en constatant que la victime n’effectuera pas la reconstruction d’un ouvrage qui a été détruit. » (Cass. criminelle 27 mai 2021). (voir notre article d’actualité sur le sujet)

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  • Dernière modification de la publication :3 février 2022